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Correspondance 1953-1954

Echanges et mouvement

Anton Pannekoek, Cornelius Castoriadis , 1999

QUELQUES EXPLICATIONS PRÉLIMINAIRES

Lisant le projet de la présente brochure, un camarade nous fit observer qu’il était parfois difficile de suivre le déroulement des faits qui y sont relatés. Il lui paraissait souhaitable d’en donner préalablement les grandes lignes pour permettre au lecteur profane de suivre les méandres d’une histoire effectivement assez obscure et complexe. Tout d’abord, signalons que nous avons suivi un ordre strictement chronologique pour relater ces faits, sauf dans les deux derniers chapitres où nous avançons un essai d’explication. Cet ordre chronologique entraîne forcément des répétitions car les différents épisodes, pourtant situés à leurs dates respectives, reviennent souvent sur des faits antérieurs non révélés à l’époque à laquelle ils s’étaient déroulés.

Une première période couvrant les chapitres 1 à 7 traite des rapports de Socialisme ou Barbarie avec les personnes du groupe hollandais Spartacus, qui se réclamait du communisme de conseils tel qu’il s’est dégagé du mouvement réel des conseils allemands dans l’après-première-guerre-mondiale, à savoir :

- la correspondance entre Pierre Chaulieu (Castoriadis), agissant au nom de la majorité du groupe Socialisme ou Barbarie, et Anton Pannekoek, agissant à titre personnel ;
- une note indirecte parue dans la revue Socialisme ou Barbarie indiquant - mais sans qu’on sache vraiment pourquoi - que cette correspondance a brusquement cessé ;
- un texte du groupe hollandais communiste de conseils, Spartacus, dont Pannekoek était proche, publié dans la revue Socialisme ou Barbarie et qui marque, pour cette revue, la dernière allusion à cette tendance historique.

Cette première période se déroule sur deux années, de 1953 à 1955, et marque l’échec, non explicité, de ces premiers contacts et l’orientation différente donnée par la majorité du groupe Socialisme ou Barbarie, approuvant en cela les positions prises par Chaulieu/Castoriadis..

Une deuxième période couvre les chapitres 8 et 9. Elle se déroule beaucoup plus tard, plus de quinze années après, de 1971 à 1974. Elle se réfère aux faits de la précédente période et est aussi plus polémique. En quelque sorte, la réouverture du dossier commence en 1971 par la publication des trois premières lettres échangées par Pannekoek et Chaulieu. Cette publication dans les Cahiers du communisme de conseils était précédée d’un texte de Cajo Brendel* qui présentait une explication du silence du groupe Socialisme ou Barbarie à ce sujet, silence qui a duré jusqu’à sa disparition en 1967. Castoriadis, dans la publication de ses œuvres dans la collection de poche 10/18, en 1974, se croit obligé de reproduire les trois lettres en question (mais pas l’intégralité de la correspondance), avec une présentation critique se voulant une réponse au texte de Cajo Brendel.

Les deux derniers chapitres - 10 et 11 - essaient de comprendre, à la lumière d’autres écrits postérieurs de Castoriadis, pourquoi tout s’est développé de cette façon et de montrer en même temps, ce qui n’est qu’une hypothèse, la continuité de la pensée de Castoriadis depuis son passé trotskyste jusqu’à ses évasions sur ses théories de l’imaginaire.

Il est évident qu’une telle étude, bien qu’elle s’appuie sur des documents irréfutables, s’appuie aussi sur des témoignages (dont chacun connaît la relativité, tant dans leur subjectivité que dans leur imprécision due au temps passé) et sur d’autres textes plus ou moins polémiques.

Nous présentons par avance nos excuses pour les inexactitudes que certains pourraient relever ; elle sont involontaires et nous sommes tout disposés à procéder, après vérification éventuelle, à toutes les rectifications souhaitables.

1. INTRODUCTION

Il peut paraître mesquin de reprendre dans le détail (des détails qui ne sont d’ailleurs pas tous connus ou qui sont effacés dans le souvenir), près d’un demi-siècle après son déroulement, un débat qui à son époque a tourné court par la volonté, semble-t-il, d’un des protagonistes, Chaulieu, animateur du groupe Socialisme ou Barbarie, dont la majorité semble l’avoir alors suivi dans cette volonté. [1] Les deux protagonistes, Pannekoek et Chaulieu (Castoriadis, connu alors sous ce pseudonyme [2] dans les manifestations publiques du groupe Socialisme ou Barbarie) sont tous deux décédés et ne peuvent évidemment compléter ou critiquer notre exposé des faits ni la présente reproduction de textes ; seuls de nouveaux documents (on verra qu’ils ont effectivement existé) ou des témoignages des rares survivants des acteurs dans ce débat pourront éventuellement apporter des précisions complémentaires, voire une autre approche. Bien conscient des limites de ce travail, nous souhaiterions qu’il en soit ainsi.

Nous n’avons nullement, en exhumant ce dossier - qui concerne, disons, la révolution, les formes d’organisation du prolétariat, parti ou conseils, et la « dégénérescence » bureaucratique de ces formes -, l’intention de promouvoir une attaque quelconque sur la personne de Castoriadis (bien qu’il soit bien difficile de séparer une personne de ses idées) mais de situer ce débat dans l’époque, de montrer la relation entre les positions affirmées alors et les cheminements de la pensée de leur auteur en liaison avec des positions plus fondamentales, de souligner l’intérêt de ces « vieilles » discussions dans la période actuelle.

Lors d’une correspondance entre deux « anciens combattants » de Socialisme ou Barbarie à propos d’une tout autre question (les positions de la majorité des membres du groupe lors du semi-coup d’Etat de Charles de Gaulle en mai 1958), l’un d’entre eux, resté jusqu’à la disparition du groupe, en 1967, un fidèle de Chaulieu-Castoriadis, soulignait que c’était « une mauvaise querelle à faire à Castoriadis que cette question soulevée dans la polémique d’un court moment ». Dans la mesure où le débat, objet de cette brochure, traite essentiellement de ce qu’on peut résumer par « la question du parti », peut-il être de même qualifié de « mauvaise querelle » ? Et peut-on considérer, comme le fait ce même camarade dans cette même correspondance, que « pour nous, qui remettions en cause le marxisme, c’était résolument tirer un trait définitif sur la question du parti... » et que « toutes les analyses qui ont été écrites par la suite sur le capitalisme moderne font suffisamment foi de l’abandon de cette perspective... » (c’est-à-dire d’une position léniniste assortie d’une forte coloration de « conseillisme » qui était celle de Socialisme ou Barbarie dans les années 1950) ? Au contraire, nous ne sommes pas du tout persuadés que l’évolution de Chaulieu/Castoriadis, notamment l’abandon du marxisme, impliquait ipso facto une modification radicale de ses conceptions sur l’organisation. Des textes écrits par lui postérieurement à la dissolution de Socialisme ou Barbarie tendraient à prouver le contraire ; ils seront évoqués à la fin de cette brochure.

Pour nous, la question centrale qui était alors - et qui reste aujourd’hui - au cœur de ce débat du début des années 1950, est celle de l’existence d’un « parti révolutionnaire » et de sa relation éventuelle avec les organismes de base surgis de la lutte. En d’autres termes, la relation entre « l’avant-garde » (à la conscience révolutionnaire plus ou moins autoproclamée) et le mouvement de lutte des travailleurs tel que ceux-ci le mènent, tant dans le quotidien de l’exploitation que dans les affrontements de rupture - alors qualifiés de révolutionnaires . Pour ne considérer que la période récente, il est apparu dans différents pays de l’Europe occidentale que les conditions d’existence et d’exploitation ont contraint les travailleurs à élaborer de nouvelles formes de lutte. Mais ces nouvelles formes n’ont pu se développer (comme cela s’est vu maintes fois dans le passé) car elles se sont heurtées, comme elles se heurtent encore, non seulement au poids des institutions légales (destinées à les maintenir dans les cadres de l’exploitation capitaliste) mais aussi aux traditions et aux idéologies héritées du passé et véhiculées par ces institutions (partis et syndicats). En même temps, il ne fait guère de doute que la plus grande partie des travailleurs ne croit aucunement que ces partis (socialistes, communistes, etc.) soient à même de disputer le pouvoir à la bourgeoisie : bien peu croient encore dans la possibilité pour la politique ou les politiques d’avoir un poids quelconque face à ce que le capitalisme impose dans sa dynamique. Rien ne permet de dire qu’une telle situation puisse amener la création, comme dans certaines circonstances du passé, d’organismes de lutte, créations de la classe exploitée pour défendre ses intérêts et, éventuellement, mettre un terme à la domination capitaliste. Mais, si le capitalisme se trouvait sur le point de sombrer dans une grave crise économique et politique menaçant son existence même, toute une partie de la répression visant les agents autonomes d’une poussée révolutionnaire viendrait, pas tant de ceux que l’on connaît comme porteurs de cette répression, mais de ceux qui voudraient, au nom de leur « conscience révolutionnaire », prendre d’une manière ou d’une autre la direction « éclairée » de ce qu’ils auraient construit auparavant comme société future... De ce point de vue, le débat peut être vu comme une critique du léninisme fonctionnant comme idéologie des intellectuels, notamment dans toutes les dissidences des partis communistes ou des différents groupes trotskystes, tant dans leur version réformiste que dans la recherche de ce qu’ils pensent être une pureté doctrinale.

Sur le plan des positions affirmées par les deux protagonistes du débat, des critiques plus personnelles se font jour. D’une certaine façon, ils se critiquent l’un par l’autre. D’un côté, Castoriadis fonctionne comme un intellectuel n’ayant pas complètement rompu (malgré sa rupture avec le marxisme) avec la conception léniniste de la révolution (notamment par ses affirmations plus récentes de la nécessité de l’organisation révolutionnaire) et son habileté pour s’évader et occulter ce qui le dérange par rapport à ses propres positions, son rôle dans le groupe Socialisme ou Barbarie et la fonction qu’il assigne à ce groupe. D’une autre façon, le Pannekoek de l’époque de cette correspondance n’est plus le Pannekoek qui, même s’il a évolué quant à ses conceptions sur le rôle du parti, a laissé nombre d’écrits (auxquels certains ne manquent pas de se référer) de sa période au sein de la social-démocratie, d’une conception de l’avant-garde comme un groupement éducatif, pas forcément clair sur les perspectives autogestionnaires des conseils ouvriers.

Castoriadis peut souligner avec raison que des luttes (lutte de classe ou affrontements entre groupes politiques) peuvent se poursuivre au sein des conseils ouvriers. Mais Pannekoek a raison de lui répondre que cet antagonisme ne se résoudra pas par un acte volontariste de prise du pouvoir par une minorité.

Finalement, la question reste en suspens et c’est à chacun d’y réfléchir et d’en débattre en considérant ce qu’est le capitalisme aujourd’hui et ce que sont les luttes qui s’y déroulent.

Pour aider à la compréhension de ce débat, nous avons fait suivre ses développements de diagrammes* montrant les ramifications de la parenté Socialisme ou Barbarie et des groupes communistes de conseils en Hollande, et de brèves biographies de Pannekoek et de Chaulieu-Castoriadis. Nous y avons ajouté une bibliographie aussi complète que possible des œuvres en français des deux épistoliers, certaines accessibles, d’autres pas.

Lire la brochure « Correspondance Chaulieu (Castoriadis)- Pannekoek - 1953-1954 » :

Premiers contacts

Première réponse de Chaulieu (Castoriadis)

Deuxième lettre de Pannekoek

Un silence difficile à expliquer ?

« Encore sur la question du parti » (I et II)

Les voiles commencent à se lever

Mise au point

Le rejet par S ou B du courant communiste de conseils

Castoriadis et la question de l’organisation révolutionnaire

Castoriadis-Pannekoek : biographies, bibliographies

Voir en ligne : « Correspondance Chaulieu (Castoriadis)- Pannekoek - 1953-1954 »

Notes

[1] Il est difficile de séparer Chaulieu/Castoriadis de la tendance « Chaulieu-Montal » au sein du groupe trotskyste PCI puis du groupe Socialisme ou Barbarie, dont elle est le noyau originel. Il est significatif, commme nous le signalons dans sa biographie (page 61), que Castoriadis a toujours su conserver, jusqu’à la fin du groupe, le contrôle de son orientation - et du titre - de telle façon que les « minoritaires » se trouvaient contraints de faire sécession. Cette prééminence sera affirmée par la publication, sous le bandeau de Socialisme ou Barbarie, des seuls écrits de Chaulieu/Castoriadis dans la collection de poche 10/18. Il n’est aucunement question de faire ici le procès de Castoriadis, mais de montrer, à travers des faits qui le concernent personnellement autant que le groupe, le cheminement de sa pensée, qui peut les expliquer.

[2] Castoriadis a utilisé divers pseudonymes - Chaulieu, Cardan, Barjot , Coudray... et d’autres que nous n’avons pu retrouver. C’était une pratique héritée de la période de guerre et de clandestinité, qui ne s’expliquait plus guère dans les années 1950 pour la plupart des membres, sauf pour des raisons personnelles, justifiées seulement pour les militants de nationalité étrangère.

1 Message

  • Correspondance 1953-1954 25 avril 2014 10:50, par Gaelep

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