La politique est un métier bizarre. Parce qu’elle présuppose deux capacités qui n’ont aucun rapport intrinsèque. La première, c’est d’accéder au pouvoir. [...] La deuxième capacité, c’est, une fois qu’on est ua pouvoir, d’en faire quelque chose, c’est-à-dire de gouverner. (p. 13)
Il y a la merveilleuse phrase d’Aristote : "Qui est citoyen ? Est citoyen quelqu’un qui est capable de gouverner et d’être gouverné." (p. 15)
Edgar Morin parle du généraliste et du spécialiste. Le généraliste qui ne sait à peu près rien sur un peu tout et le spécialiste qui sait tout sur une seule chose mais pas le reste. Platon disait que les philosophes doivent règner, eux qui sont au dessus des spécialistes. Dans la théorie de Platon, ils ont une vue du tout. L’autre terme de l’alternative était la démocratie athénienne. [...] Ce sont les Grecs qui ont inventé les élections. C’est un fait historiquement attesté. Ils ont peut-être eu tort, mais ils ont inventé les élections ! Qui élisaient-on à Athènes ? On n’élisait pas les magistrats. Les magistrats étaient désignés par tirage au sort ou par rotation. Pour Aristote, souvenez-vous, un citoyen est celui qui est capable de gouverner et d’être gouverné. Tout le monde est capable de gouverner, donc on tire au sort. Pourquoi ? Parce que la politique n’est pas une affaire de spécialistes. Il n’y a pas de science de la politique.Il y a une opinion, la doxa des Grecs, il n’y a pas d’epistemé. Je vous fais remarquer d’ailleurs que l’idée qu’il n’y a pas de spécialistes de la politique et que les opinions se valent est la seule justificaion raisonnable du principe majoritaire. Donc chez les Grecs, le peuple décide et les magistrats sont tirés au sort ou par rotation. Il y a des activités spécialisées [...], la mise en place des chantiers navals, la construction des temples, la conduite de la guerre, il faut des spécialistes. Donc ceux-là sont élus.C’est cela l’élection. Parce que élection, cela veut dire élection des meilleurs. Et sur quoi se base-t-on pour élire les meilleurs ? Eh bien, là, intervient l’éducation du peuple, car il est amené à choisir. (p. 23)
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